À l’issue de sa révision stratégique, la Banque centrale européenne a décidé de faire du changement climatique l’une de ses priorités pour les années à venir. Dans cet article, nous essayons de comprendre comment ce changement a été rendu possible, et dans quelle mesure il représente une rupture par rapport au ‘central banking as usual’. Pour ce faire, nous nous appuyons sur une méthodologie mixte, en étudiant les politiques, les discours et les échanges de la BCE avec le Parlement européen, ainsi qu’en menant des entretiens semi-structurés. Nous montrons que l’intégration accélérée du changement climatique a été rendue possible largement grâce au remplacement de la moitié du directoire en l’espace d’un an. Cependant, il ne faut pas confondre cette évolution avec l’obtention d’un consensus pour d’avantage d’activisme climatique. En effet, après quelques timides tentatives pour pousser la BCE à soutenir explicitement la transition, un tel agenda promotionnel a été abandonné après la révision stratégique de juillet 2021. Si ce choix prudentiel a permis à la BCE de surmonter ses blocages internes, il présente également d’importants inconvénients, augmentant la technocratisation de la BCE, les tensions sur sa légitimité, et réduisant l’éventail des politiques possibles.