Dans le cadre d’une unification monétaire comme celle réalisée par l’UEM en Europe, de nombreuses études ont mis en évidence le conflit d’objectifs qui est très souvent susceptible d’apparaître entre les autorités économiques européennes, en particulier suite à un choc d’offre négatif récessif et inflationniste. Néanmoins, ces études sont généralement faites dans le cadre de pays en tous points identiques, et elles insistent surtout sur le rôle de l’antagonisme des préférences des autorités économiques. Or si les pays européens ont des préférences différentes et subissent des chocs conjoncturels différenciés, ils se distinguent aussi par des sensibilités structurelles différentes des variables économiques fondamentales aux politiques menées et aux chocs subis. L’objectif de ce papier est donc d’étudier cet aspect plus méconnu de la stabilisation des chocs en union monétaire, grâce à un modèle keynésien statique log-linéaire en économie ouverte.
Nous montrons alors que l’augmentation de l’hétérogénéité structurelle entre les pays membres de l’union monétaire n’a pas d’effet clair et univoque sur les politiques économiques. En cas de choc d’offre négatif, la politique monétaire reste toujours très restrictive, mais l’effort de stabilisation de la banque centrale dépend néanmoins des canaux de transmission et des paramètres de sensibilité qui apparaissent hétérogènes. De plus, si les fonctions de réaction budgétaires sont toujours globalement expansives, la politique budgétaire peut parfois devenir restrictive dans un pays. Nous montrons alors que pour des pays de taille différente et qui connaissent donc des taux d’ouverture différenciés, l’hétérogénéité structurelle entre les pays est susceptible en elle-même d’accentuer le conflit d’objectifs entre la banque centrale et les gouvernements. Elle peut contribuer à aggraver la surenchère de hausse des taux d’intérêt et de déficits publics excessifs, et accroître l’inefficacité du policy-mix européen. Enfin, dans le cadre de notre modèle, ce conflit pourrait également être accentué si le choc d’offre négatif est asymétrique et touche principalement un pays qui connaît une sensibilité plus élevée que ses partenaires de sa demande à ses dépenses publiques, ou une sensibilité plus faible de son inflation à l’activité économique intérieure ou à l’inflation dans le reste de la zone monétaire.