Au niveau européen, le leadership londonien en matière de localisation de la gestion
des hedge funds est incontestable et un examen approfondi de Paris et de Londres,
centré sur leur compétitivité comparée en cette matière, s’impose.
Les hedge funds se définissent par leurs techniques de gestion, plutôt que par leur
forme juridique. Aussi, le premier volet de cette étude se livre d’abord à un exercice
inédit de qualification juridique. Les hedge funds peuvent être qualifiés d’OPCVM
dérogatoires se distinguant des OPCVM généraux comme des OPCVM coordonnés
par leurs objectifs, leurs instruments et leurs techniques. La comparaison menée
entre l’attractivité de la France et celle de la Grande-Bretagne en matière de gestion
des hedge funds révèle que le cadre réglementaire mis en place par la loi financière
du 1er août 2003, avec la création notamment des OPCVM ARIA et contractuels, a
doté la France de véhicules spécialement dédiés à l’industrie alternative et jugés
attractifs par de nombreux acteurs, même si ils sont difficilement exportables.
Le principal attrait de la place de Londres resterait donc la fiscalité, notamment
relative à l’imposition des plus-values. Néanmoins, le durcissement opéré en
Grande-Bretagne à travers le Finance Act de 2008 ainsi que les récentes mesures
relatives au bouclier fiscal ou au crédit d’impôt-recherche en France amorcent une
convergence entre les deux systèmes. Certes, cette évolution est encore trop
récente pour que son impact soit perceptible, en raison de la « dépendance au
sentier ». Cette dernière a conduit la place de Londres à se singulariser par
l’exceptionnelle diversité des institutions financières qui y sont présentes ; ainsi
Londres connaît des conditions de concurrence et d’innovation supérieures à celles
de Paris. Cette situation peut cependant évoluer car l’industrie de la gestion
alternative, parvenue à maturité, peut connaître une rationalisation catalysée par la
crise actuelle et être redistribuée au sein des places et des groupes financiers.
Le premier volet de l’étude montre également comment les gérants de hedge funds
ont cherché de nouveaux vecteurs de communication pour attirer dans leurs start-up
clients et employés. Ces stratégies mobilisent largement les canaux de la soft
information comme en témoigne la proximité des sociétés de gestion londoniennes
avec les clubs privés. Cette localisation peut aussi s’analyser comme un signal pour
les investisseurs. Sur ce plan, comparativement à Londres, la place de Paris a pâti
des contraintes explicites sur la commercialisation des fonds offshore.
Toutefois, la crise financière actuelle illustre que le développement des hedge funds
n’est pas sans risque car ces derniers transmettent un risque systémique au même
titre que des banques du fait de leur structure financière. Ils sont vulnérables à
l’interaction du risque de crédit et du risque de liquidité du fait de leur levier. Ils sont
donc vendeurs forcés d’actifs en temps de crise, comportement qui propage la
détresse entre les marchés.
Ces éléments amènent le second volet de cette étude à préconiser un renforcement
de la réglementation financière, renforcement qui concernerait les hedge funds (en
leur appliquant par exemple un ratio de solvabilité) mais aussi les produits structurés
(création d’une infrastructure de compensation et règlement pour les produits dérivés
négociés aujourd’hui sur les marchés de gré à gré) et les agences de notation (qui
devraient être strictement cantonnées à l’évaluation et dont l’activité devrait être
rémunérée par une taxe spécifique pour éliminer les conflits d’intérêt). En effet, pour
endiguer assez tôt la propagation des crises, la sensibilité au risque de liquidité dû
aux hedge funds ne peut être détectée par les banques centrales que si elles ont une
évaluation de la position agrégée de tous les hedge funds sur tous les marchés.