L’analyse des relations entre l’économie et le droit, et la possibilité de joindre leurs cadres conceptuels respectifs sur des thématiques particulières est l’objet d’une littérature croissante. Celle-ci demeure cependant le plus souvent centrée sur les pays développés et leurs problèmes spécifiques, tels que la régulation, la concurrence, ou les politiques anti-trust. L’exploration des liens entre droit et économie dans une perspective de développement reste un domaine encore largement sous-investigué. Pour l’économie du développement, les questions posées par l’approche dite « droit et économie » recoupent des thèmes traitées respectivement par les théories de la croissance, des institutions et des normes sociales. L’article examine les conditions d’une application de l’approche droit et économie via une analyse critique des concepts analysés par l’économie des institutions, notamment les concepts d’institutions, de normes et de contrats, ainsi qu’une critique des méthodes quantitatives fréquemment utilisées dans la littérature d’économie du développement. Il présente une théorie alternative des institutions qui distingue entre leurs différents éléments, notamment leurs formes et leurs contenus, et souligne les fondements cognitifs des institutions. L’article montre ainsi la complexité des processus impliqués dans la transformation des institutions, l’introduction de systèmes juridiques et leurs effets économiques. Dans les pays en développement, il est particulièrement important de distinguer les différents éléments des institutions et des normes : ceci permet de mieux comprendre la transformation des croyances, des normes et des institutions, ou en contraste, leur résilience, lorsque sont mise en œuvre des réformes économiques et juridiques ayant pour but d’établir des institutions formelles vues comme plus efficaces. L’article présente d’abord les conceptions les plus fréquentes des institutions en économie du développement, puis le cadre conceptuel de l’approche « droit et économie » dans le contexte du développement et son interprétation par les institutions financières internationales. Il souligne les dimensions cognitives des institutions et des normes, de même que la difficulté à démêler les normes juridiques édictées par un Etat des normes sociales du point de vue de la cognition individuelle, ce qui confirme le peu de pertinence de la distinction entre règles « formelles » et « informelles ». L’article montre enfin que, dans les pays en développement, les réformes et la transformation des normes sociales locales vers des systèmes juridiques formels, et celle des institutions économiques selon des mécanismes de marché vus comme plus efficaces, se heurte à des ensembles de croyances spécifiques. Ces dernières peuvent être caractérisées comme typiquement difficiles à réviser – ou à « falsifier » dans le sens de Karl Popper. Elles se réfèrent en particulier aux croyances et aux normes associées qui organisent les groupes d’appartenance, ceux-ci étant une partie de relations politiques et économiques plus vastes, ce qui explique leur résilience.