Nous nous intéressons ici à l’émergence des services publics de placement en Grande-Bretagne et en France au cours du XXe siècle. Ces pays constituent deux cas polaires, l’un dans la mouvance de la convention n°96 de l’OIT (monopole du service public), l’autre en-dehors mais non moins ambitieux. Dès 1909, sous l’impulsion de William Beveridge, la Grande-Bretagne se dote du premier réseau national de placement public ; il s’agit alors de construire le marché du travail nécessaire à une économie industrielle souffrant d’un chômage massif. Chaque labour exchange est en quelque sorte la succursale d’une chambre de compensation nationale et sont rejetés hors du marché ceux jugés inemployables. En France, la construction se fait en trois étapes : 1904 (la gratuité du placement public), 1945 (le monopole du placement public) et 1967 (la création de l’ANPE). En retraçant l’histoire de ces deux services, nous mettons en évidence deux paradigmes contraires soutenant des modèles d’intervention publique alternatifs. L’opposition “ le travail est une marchandise ” versus “ le travail est un droit ” entraîne l’opposition “ l’organisation d’un marché du placement ” versus “ la régulation du comportement des agents privés ”.