La fin de la bulle internet sur le marché des actions, et plus récemment le dynamisme prolongé des prix du logement dans la plupart des pays industrialisés ont fait ressurgir des interrogations quant au rôle de la politique monétaire. Alors que traditionnellement la maîtrise de la masse monétaire visait à éviter la résurgence de l’inflation, dans le contexte actuel de stabilité des prix, la problématique s’est déplacée vers la surveillance des prix d’actifs. Plusieurs facteurs sont invoqués pour avancer un effet de la liquidité sur ce type de prix : la relation quantitative de la monnaie généralisée aux transactions sur actifs, le « crédit facile » qui encouragerait les achats et pèserait sur les prix, ou encore les anticipations engendrées par la politique monétaire actuelle, notamment telle que retracée par les faibles taux d’intérêt. L’objet de cette étude est d’examiner dans quelle mesure ces théories sont pertinentes, et si l’on détecte, en pratique, un effet de l’excès de liquidité sur l’évolution du prix des actions ou de l’immobilier dans la zone Euro, aux USA, au Royaume-Uni et au Japon depuis le début des années 1980.
Dans un premier temps, il est montré que la liquidité, qui est par définition un instrument global de pouvoir d’achat, ne pèse pas pour autant de façon généralisée sur les prix d’actifs. Au contraire, le mouvement propre à chaque prix d’actif est plus important que le mouvement général de l’ensemble des prix d’actifs.
Une analyse économétrique du lien entre prix des actifs et excès de liquidité doit prendre en compte l’éventualité d’une rétroaction des prix d’actifs sur la monnaie, si bien que des modèles d’interactions réciproques (VAR ou VECM) ont été estimés sur les quatre zones géographiques de cette étude. Les effets de l’excès de liquidité sur le prix des actions n’ont jamais pu être clairement mis en évidence. Le constat est plus nuancé sur les prix de l’immobilier, notamment concernant le Royaume-Uni. Cependant, même quand un effet a pu être décelé, son ampleur s’est avérée limitée.
Enfin, les données disponibles pour la France permettent d’approfondir la notion de relation quantitative de la monnaie étendue aux actifs et d’en mesurer la pertinence. Il s’avère que l’ajout des transactions sur l’immobilier ou sur les titres aux transactions sur biens et services ne permet pas de stabiliser la vitesse de circulation de la monnaie, ce qui ne valide pas l’hypothèse d’une transmission de la politique monétaire aux prix d’actifs via la traditionnelle idée quantitative.
Au total, les preuves d’un effet de l’excès de liquidité sur le prix des actifs sont ténues. S’il se trouve des bulles spéculatives dans le prix des actions ou de l’immobilier, celles-ci n’ont pas attendu l’aide de la politique monétaire pour se former.