L’Union bancaire est un projet crucial pour l’avenir de la zone euro qui porte une
dimension fédérale forte que les pays membres semblent avoir du mal à assumer.
Cette frilosité se reflète dans les compromis politiques obtenus en décembre 2013 et
mars 2014 sur le mécanisme de résolution unique. Cette note explique pourquoi
l’Union bancaire est un projet si prometteur s’il va à son terme. D’une part, l’Union
bancaire complète l’euro et reconnait implicitement que la monnaie est une institution
à fort contenu politique, ce qui semblait avoir été oublié par les fondateurs de l’euro ;
d’autre part, l’Union bancaire est une solution à la fragmentation de l’espace financier
européen et au cercle vicieux entre crise souveraine et fragilité bancaire.
Mais l’Union bancaire ne répondra aux espoirs que l’on met en elle que si elle n’est
pas vidée de sa substance par des reculades successives d’Etats réticents à renoncer
à la protection de leurs champions bancaires nationaux. De ce point de vue, nous
montrons que les récents accords obtenus sur le mécanisme de résolution unique ne
sont pas très satisfaisants et créent une forte incertitude sur l’efficacité du dispositif,
en particulier dans la période de transition.
Nous soulignons non seulement les carences du dispositif retenu tel qu’il fonctionnera
à terme mais également – et surtout – les dangers que fait courir l’incohérence du
processus séquentiel adopté pour la mise en œuvre des différents volets de l’Union
bancaire (mécanisme de supervision unique, mécanisme de résolution unique et
assurance-dépôts unique). Les différentes phases d’entrée en application des divers
composants de l’Union bancaire, auraient dû logiquement être imbriquées mais elles
sont, en réalité, disjointes.
Une période particulièrement périlleuse va s’ouvrir dès lors que la BCE aura rendu
son verdict sur la solidité des banques sous sa supervision, c’est-à-dire à la fin du
processus d’évaluation de la qualité des actifs des banques et des tests de stress (fin
2014) alors que le bail-in (renflouement interne) ne sera pas encore opérationnel
(2016) et que le Fonds de résolution abondé par les banques ne le sera pas non plus
véritablement. L’absence de « backstop » public mutualisé au cours de la période de
transition risque de réactiver le lien pernicieux entre crise souveraine et fragilité des
banques dès lors que la BCE aura signalé les banques devant être recapitalisées.
Nous proposons une solution alternative prenant la forme d’une règle de «
renflouement partagée », c’est-à-dire une règle de partage des pertes inclue dans les
testaments bancaires des banques systémiques. Ce dispositif responsabiliserait les
pays qui accueillent des filiales de groupes bancaires transfrontières et créerait de
bonnes incitations au contrôle de ces groupes. Nous proposons également une règle
de séparabilité des filiales créées hors du pays d’origine afin de limiter les risques de
contagion intra-groupe et de minimiser les conflits juridictionnels très coûteux du type
de ceux qu’il a fallu gérer avec la faillite de Lehman Brothers. Enfin nous soulignons la
complémentarité entre le projet d’Union bancaire et d’autres projets de réforme,
concernant en particulier la structure des banques et la régulation du shadow banking.