La proposition de Règlement de la Commission européenne relative à la réforme de la structure des banques est à l’agenda de rentrée du Parlement européen mais le climat politique est peu propice à l’adoption d’une réforme aussi ambitieuse qui pourtant est le complément essentiel à l’Union bancaire pour maîtriser le problème des institutions financières systémiques. Nous montrons dans cette note qu’il serait dangereux de croire que l’Union bancaire en elle-même suffit à maîtriser ce problème. Cette tentation étant malheureusement renforcée par l’interprétation qui a été faite des récents test de résistance dont les résultats ont été publiés le 26 octobre.
La revue des actifs réalisée sous l’égide de la Banque centrale européenne (BCE) a permis de détecter les faiblesses de certaines banques européennes dites systémiques, qui ont moins de deux semaines pour présenter un nouveau plan de recapitalisation. Pour autant les problèmes semblent maîtrisables et circonscrits.
Cependant, la méthodologie utilisée lors de ces stress tests invite à analyser les résultats avec prudence. En effet, d’un point de vue technique, les fonds propres ont été mis en lien avec les « actifs pondérés par les risques » (risk weighted assets), ces risques étant depuis Bale II calculés par les banques elles-mêmes… De plus, le scénario des stress tests s’est effectué de manière statique sans tenir compte des effets de second tour c’est-à-dire des réactions en chaînes résultant du comportements des banques en cas de stress financier qui ont pour effet d’aggraver la crise.
Au-delà du débat technique, cette revue des actifs, ces test de résistances et la mise en œuvre de la supervision bancaire par la BCE ne doivent pas occulter la nécessité d’une vraie réforme des banques pour la stabilité financière et bancaire en Europe. Cette réforme est comme le soutient l’OCDE la seule réponse efficace au problème des institutions financières systémiques particulièrement aigu dans l’Union Européenne (UE). Elle est le complément des mécanismes de résolution bancaire qui ont été adoptés avec la Directive sur le redressement et la résolution bancaire qui entrera en vigueur en janvier 2015 – le bail-in (renflouement interne par les actionnaires et les créanciers) n’étant actif qu’à partir de janvier 2016 – et enfin elle crédibilise le dispositif d’union bancaire et l’accord politique conclu à ce propos en mars 2014.
Le Royaume-Uni, la Belgique, la France et l’Allemagne, ont voté leurs propres lois dites de « séparation » en 2013 et début 2014 mais si le texte britannique reste relativement ambitieux, les lois votées en France et en Allemagne sont particulièrement faibles et ne séparent (presque) rien. Rappelons que la loi française a un impact tout à fait marginal sur la structure de nos banques systémiques. La loi française n’ayant étonnamment pas fait l’objet d’une étude d’impact, ce sont les estimations des dirigeants groupes bancaires qui sont retenus pour les estimations d’impact, à hauteur de 1 % du produit net bancaire.
Tout porte à croire que cette « soit-disant » séparation bancaire nationale a été précisément faite pour échapper à une législation plus stricte telle que défendue par l’ancien Commissaire européen Michel Barnier – qui est un mix entre la règle Volcker et les préconisations du rapport Liikanen. A l’heure où l’UE a fait une grande avancée institutionnelle avec l’Union bancaire qui place au niveau fédéral la supervision des institutions bancaires systémiques, et la résolution des crises qui pourraient les frapper, l’idée qu’une règlementation qui justement a pour objet d’être une réponse au problème des institutions « trop importantes pour faire faillite » puisse ne pas être portée au niveau de l’Union mais rester du ressort national laisse songeur d’autant que cette réforme améliore considérablement l’opérationnalisté du mécanisme de résolution unique.
Pourtant, le projet européen sur la réforme de la structure des banques fait partie des quelques initiatives qui pourraient être abandonnées ou vidées de leur substance. L’enjeu est de favoriser une véritable réforme bancaire au niveau européen afin de compléter, renforcer et donc crédibiliser le mécanisme d’Union bancaire européenne et protéger in fine les citoyens et contribuables de l’UE des coûts d’une nouvelle crise bancaire majeure.